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Les jardins de la mémoire : business ou nouvelle culture du passé ?

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La ville de Lyon a inauguré son premier jardin de la mémoire au sein du nouveau cimetière de la Guillotière et à proximité du crématorium municipal. Il a pour vocation d’accueillir les cendres des défunts. Que représente un tel lieu dans les rapports qu’entretient notre société avec la mémoire de ses morts ?

Le jardin de la mémoire de Lyon se présente sous la forme d’un petit square accueillant et bucolique. Il est doté de chemins balisés dans une nature maîtrisée. Des bancs sont installés autour d’une fontaine et de nombreux lieux isolés sont aménagés pour favoriser le recueillement des familles endeuillées.

Le jardin de la mémoire n’est pas en effet un espace où les personnes âgées viennent pratiquer des activités de mémorisation en groupe ; ce n’est pas un site Internet de partage des exercices du docteur Makato rendu célèbre par la Nintendo DS. Hélas, ce n’est pas non plus un lieu paisible offert à votre serviteur pour rédiger ses réflexions sur la mémoire dans notre société. Le jardin de la mémoire, c’est une appellation poétique qui désigne une nouvelle forme de cimetière cinéraire.



Une réponse logique à une nouvelle demande sociale

Le jardin de la mémoire de Lyon n’est pas le premier du genre. D’autres sites ont été inaugurés sur le même principe en France (c’est le cas notamment en Bretagne). Cette pratique demeure néanmoins minoritaire pour le moment car elle est le résultat encore balbutiant d’une évolution sociétale lancinante.


Le constat initial est simple : les Français ont de plus en plus recours à la crémation lors de leur disparition. Face à cette constatation, les autorités ont réformé la législation en vigueur.

Contrairement aux croyances populaires, il n’est pas permis aux familles de conserver librement les cendres du défunt, ni de les disperser sans autorisation. En l'absence de volonté spécifique, le cimetière reste le lieu de destination imposé. Pour tout désir du devenir de l'urne ou des cendres hors d'un cimetière, il faut que la volonté du défunt ait été clairement manifestée, par exemple dans le cadre d’un testament crématiste.


Les jardins de la mémoire sont donc une réponse logique à l’augmentation du recours à la crémation en France et au désarroi des familles souvent surprises d’apprendre que les cendres du disparu sont protégées par une législation très précise et contraignante.

Vers une nouvelle étape dans l’histoire de la mort en Occident

Le brillant historien Philippe Ariès aurait vraisemblablement un nouveau chapitre à ajouter à sa réflexion sur l’histoire de la mort en Occident à la lueur de cette nouvelle pratique.

Alors que les cimetières étaient placés au centre de la communauté (au sens propre, comme au sens figuré) à l’époque médiévale, ils ont été progressivement relégués aux périphéries des villes et des villages. L’argument hygiéniste est régulièrement invoqué pour expliquer cette évolution. Cette interprétation doit cependant être complétée par d’autres éléments qui concernent notamment la place et le rôle des morts dans nos sociétés.

A une époque où l’on recherche par tous les moyens à repousser une inéluctable rencontre avec la grande faucheuse, la présence des morts incommode. Il suffit pour s’en convaincre de constater l’état de délabrement général de nos cimetières. En seulement quelques décennies, ces allées funèbres ont été délaissées par les plus jeunes d’entre nous, trop pressés par un mode de vie qui ne laisse plus de temps au recueillement annuel sur les tombes de nos proches.



Dans ces conditions, l’inauguration de ces nouveaux lieux de mémoire apparaît presque comme une réaction conservatrice de la symbolique mémorielle face à la mort. Si la disparition physique de nos corps nous effraie, la crainte est encore plus importante concernant notre mémoire. La dématérialisation de nos existences (encouragée par la mise en place d’identités virtuelles et de passeports numériques) trouve ses limites lorsque l’être se confronte au néant que pourrait constituer l’oubli en l’absence de trace matérielle.

Sanctuariser la mémoire

Ainsi, les jardins de la mémoire ne constituent-ils pas seulement un lieu d’accueil pour les cendres. Ils se proposent également de sanctuariser la mémoire des individus sous la forme écologique d’un arbre ou, de manière plus ironique à Lyon, d’une borne numérique qui permet de retrouver à travers un écran tactile le nom et l’année de décès d’une personne incinérée.



Il reste à savoir si la mémoire des "grands hommes" suivra le même cheminement que celle des anonymes. Peut-on imaginer par exemple qu’un mémorial aurait été inauguré à Colombey-les-deux-Églises si le général De Gaulle avait décidé de se faire incinérer et de disperser ses cendres.

Est-ce que, comme semble le penser les Américains qui ont immergé le corps d’Oussama Ben Laden, l’absence d’une sépulture suffit à empêcher (ou du moins à limiter) l’émergence d’une mémoire héroïque et/ou victimaire ? Une étape importante sera franchie lorsqu’un homme d’État décidera de son vivant de disperser ses cendres sans se soucier de la postérité.




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